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Courir vite voir Honoré



Pierre Deladonchamps, on n’entend plus parler que de lui, il fait la une du Monde, on fait le rapprochement avec cette affiche tellement bidon, même pas nette, sur laquelle trois mecs rigolent dans un grand lit, elle nous donne l’impression d’un remake des Bronzés. Plaire, aimer et courir vite, le titre aussi est un repoussoir. Pourquoi courir vite au fait ? Et finalement, on lit le Monde, inlassable et nécessaire rituel, on découvre que l’histoire de Christophe Honoré peut émouvoir. Il y a cet enfant d’un père gay, on se souvient de la contrepèterie à partir de Guerre et Paix (Père et Gay), son texte si fort, Ton père.

On se dit que sans doute il y a quelque chose à tenter. On y va. On est en route.

Deux heures plus tard, on ressort en larmes sur le boulevard Saint-Germain. Ils provoquent des chocs, ces films-là, trente ans après le chaos qui a anéanti tant de vies. Cette génération de cinéastes et d’écrivains qui sont des survivants, qui ont enterré leurs amis, leurs amants, leurs copains, leurs élèves, leurs profs, leurs frères, aujourd’hui ils inondent le marché de la consommation culturelle avec le récit de ces années noires. Comme dans un magnifique élan de mémoire, un hommage qui a tant tardé à venir, parce que la douleur était trop forte jusqu’à maintenant ? Et le public suit, le grand public même. Cinq ans après les manifs dites pour tous, ces abominations, ces cicatrices indéfectibles dans le débat démocratique, ces marches avec enfants contre le mariage pour tous, le public s’émeut sur les vies gay fracassées qu’un travail de refoulement avait soigneusement tenté d’envoyer dans les tréfonds de la mémoire.

Honoré est subtile, il ne joue pas sur la fibre « ils sont comme tout le monde (sous entendu les hétéros), ils s’aiment, ils sont fidèles ». Non, Arthur (Vincent Lacoste) et Jacques ne sont pas fidèles. Ils sont amoureux pour sûr. Arthur connait la situation de Jacques, son affaiblissement progressif, sa lutte contre les atteintes variées à l’intégrité de son corps, sa pourriture inexorable. Il embrasse son destin, tout entier à son désir de Jacques, de son corps, de lui en tant qu’écrivain, en tant que père. Arthur rentre sans effraction mais avec une conscience active dans la vie finissante de Jacques. Sa copine n’est pas une couverture, il aime lui rouler des pelles, elle aime son Arthur comme nous l’aimons sans doute, pour son évidente franchise souriante qui le fait rayonner.

Honoré est-il agacé de la comparaison avec 120 battements de cœur ? Il n’aurait pas tort. Son film se déroule pendant les mêmes années de crise de la « Maladie d’Avoir Aimé » comme les Chinois traduisent AIDS. Mais les personnages d’Honoré ne sont pas des militants, son film ne raconte pas l’histoire, il dit une histoire intimiste. Une histoire de corps attaqué en règle par un mal souverain, une histoire de vie qui se déroule cependant : travail, écriture, sorties, musique et drogues, une vie tumultueuse et insouciante, pleine de rencontres et de joie malgré la menace. Le corps de Jacques sourit magnifiquement.

Le film est juste, comme le personnage de Denis Poladyles est juste en voisin complice, ému et émouvant, distancié en apparence, attentif, généreux, bientôt légataire testamentaire. Les parents de Jacques, eux, ne semblent pas avoir eu la main sur leur relation avec leur fils. Il y a ces mots à la fin tellement affolants venant d’un presque mort : « ils auront toujours ma rancune ». Oui, ces paroles-là aussi sonnent justes.


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