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"Oublier Klara", le refoulement comme mode de survie en Union Soviétique?

S’oublier pour oublier qu’on est seul. Corriger son fils pour qu’il ressemble d’avantage à soi, l’être blessé qui ne le sait. Convertir la douleur en colère violente. Dans Oublier Klara, Isabelle Autissier nous livre avec un talent d’écrivaine confirmée, une fresque familiale dans laquelle les névroses, généalogiquement explicables, n’en demeurent pas moins incontrôlables.

Iouri, un Américain de 2017, ne ressemble pas au fils que son père Rubin, marin pêcheur de Mourmansk voulait à sa main. Quoique. Dans cette fiction, aucune des trajectoires n’est rectiligne et cela contribue à les rendre crédibles. Ne pas se fier trop à la surface des événements. Chaque destin offre comme l’espoir permanent d’une rédemption. Rédemption par l’oubli, par la fuite, en empruntant les virages définitifs en direction des destins les plus malheureux en apparence.

Klara, la grand-mère de Iouri, la mère de Rubin, celle par laquelle la plaie familiale s’est ouverte, qu’a-t-elle fait ? De quoi est-elle coupable ? Est-elle même vraiment victime des purges staliniennes ? A-t-elle renoncé ? Est-elle-même encore vivante ? Qui connait sa quête profonde ? Certes, elle ne semble pas avoir toutes les cartes en main. Mais qu’en devinent au juste son fils et son petit fils ? Et son mari a-t-il même entrevu la trajectoire qu’il l’a aidée à emprunter ?

Comment ne pas te « spoiler », cher lecteur, ce thriller sur trois générations de Russes ? Te dire simplement que les flashbacks sont maitrisés, que le suspense est réel, que les pulsions affleurent en permanence et s’offrent au lecteur, les personnages n’en capturant pas toujours l’impact. La société soviétique de Mourmansk dans laquelle se situe l’action entre les années 1947 et 2017 n’est pas le cauchemar évident que cette ville arctique et polluée offre à première vue. Et le confort de Iouri, prospère universitaire d’Ithaca, l’Ithaque américaine d’un Ulysse moderne, ne justifie surement pas d’oublier Klara et Mourmansk.

Oublier Klararaconte la vie de ces familles « qui cachent un cadavre dans le placard, croyant ainsi se faciliter la vie » nous dit Isabelle Autissier dans son épilogue. C’est aussi un vrai roman naturaliste, une ode puissante à la mer, au glacis sibérien et à ses rares habitants. Et cela ne nous étonne pas venant d’Isabelle Autissier, comme si le voyage sur la mer et sur terre, au-delà de la conquête et de la victoire, prenait désormais chez elle une dimension philosophique quasi-mystique.

Je vole dès demain pour Mourmansk avec Aeroflot.


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