Constance Debré toujours très haut
« Offenses », quatrième livre de Constance Debré, est un quatrième choc ! On connait l’histoire de cette avocate qui a abandonné ses charges professionnelles et familiales, a croqué ses illustres ascendants tout en les préservant de l’opprobre, a vanté la natation à haute dose en remplacement des substances. Elle se met ici dans la peau du jeune meurtrier d’une voisine octogénaire pour laquelle il effectuait de menus services. C’est son extraction sociale, sa généalogie, les secrets et les mensonges de famille, son parcours académique avorté, le manque d’argent, les petits trafics, tout cela qui l’a poussé au geste fatal. Et c’est la société, in fine, qui est coupable. C’est une thèse facile à comprendre. Libre dans sa ponctuation, efficace et rigoureuse, l’écriture de Constance Debré prend le lecteur à la gorge. Magnifique antépénultième page : « Pour tout paradis un enfer. Pour que votre paradis existe, il faut un enfer derrière, notre enfer. C’est comme ça que les choses marchent. Vous vivez de notre damnation. La loi c’est ça. La loi c’est la limite entre le paradis et l’enfer, mettez le purgatoire où vous voulez. Nos histoires de deals, et nos enfances placées, et l’école qui ne sert à rien, et nos appartements en F, et nos villes laides, et toute la dureté, et les gardes à vue, et la prison, et nos vies pathétiques, ça doit se calculer combien de pauvres il faut pour un riche. Pour une vie normale, combien de prisonniers, combien de types sous médocs et sous allocs. Combien en dessous du seuil de pauvreté pour combien au-dessus. Combien de types en hôpital psychiatrique. Combien d’éternités comme les vôtres pour une heure de nos vies. Une heure avec une femme qui vous aime. Une heure avec vos enfants bien élevés. Une heure dans une ville qui ne soit pas laide. À la terrasse d’un café. Une heure avec vos livres. Une heure à travailler parce que votre travail vous élève quand le nôtre nous abaisse. »
