« La zone d’intérêt » : glacial chef d’œuvre
Jeudi, le MK2 Gambetta faisait salle comble pour accueillir en avant-première les deux personnages principaux du nouveau film de Jonathan Glazer. « Birth » en 2004, « Under the skin » en 2013, « La zone d’intérêt » à partir du 24 janvier 2024, le réalisateur de cinquante-huit ans pond un long métrage tous les dix ans. Sentiment d’écœurement du début à la fin, d’où immense admiration ; fasse le ciel que Glazer produise jusqu’à cent ans ! Sandra Hüller, brillante dans « Toni Erdmann » et « Anatomie d’une chute », et Christian Friedel, acteur et musicien allemand plus confidentiel jouant le rôle de Rudolph Höss, commandant du camp de concentration d’Auschwitz, en font des tonnes pour essayer de détendre l’atmosphère avant la projection. En conclusion et en anglais, leurs mots ne sont pas
« enjoy the film » - rien ne sera « enjoyable » préviennent-ils -, ils formulent l’espoir que leur prestation nous aide à être plus forts pour combattre le fascisme. Avec ce qui se profile peut-être outre-Atlantique, cela pourrait en effet être utile (par réflexe, je me refuse à y croire, c’est paraît-il une attitude très commune dans cette situation). Souvenir du premier roman de Jonathan Littell, prix Goncourt 2006, « Les bienveillantes » : son titre était apaisant comme le jardin du couple Höss et il traitait lui aussi du quotidien d’un nazi zélé. Du bruit et de la fureur d’Auschwitz, la famille modèle de l’hitlérisme fait mine de ne rien percevoir. À mesure que se déroule l’aimable comédie champêtre, les bruits du camp se font pourtant de plus en plus précis et envahissants. Quant à la fureur, elle reste totalement cachée par les hauts murs en parpaings. Combien douce était la vie à Auschwitz pour les disciples du Führer !
